La place de l'humain en traduction et en interprétation
30-31 mai 2024 Paris (France)

Appel

Rencontres des jeunes traductologues 2024

La place de l’humain en traduction et en interprétation

ESIT (Paris), les 30 et 31 mai 2024

Appel à communication

À l’ère de ChatGPT, HeyGen et autres assistants conversationnels ou générateurs de vidéos capables de doubler des conversations en temps réel dans la langue de votre choix, l’avenir des traductaires et des interprètes semble tout tracé… tout droit au chômage ! Ce présupposé avenir trouve écho dans le passé : les traductaires devaient déjà disparaître dans les années 1950 lorsque la traduction automatique fit son apparition, puis dans les années 1990 avec l’essor des outils de traduction assistée par ordinateur (TAO). Plus récemment, l’avènement de la traduction automatique neuronale, qui peut produire des niveaux de qualité équivalents à ceux produits par des traductaires humains, continue d’alimenter ce fantasme ! Pourtant, les traductaires n’ont jamais été autant sollicités. Le marché des services linguistiques ne cesse de grandir et le recours à des professionnels aguerris et bien formés s’impose plus que jamais. Mais qu’en est-il vraiment de la place des traductaires et des interprètes dans ce secteur en perpétuelle évolution ? Quel rôle jouent-ils aujourd’hui, et joueront-ils à l’avenir ? Parlerons-nous toujours de traductaires et d’interprètes ? L’humain finira-t-il par céder sa place comme le fantasme tant d’éditeurs de logiciel et d’individus peu avertis ?

La traduction et l’interprétation sont des disciplines profondément ancrées dans les échanges culturels et linguistiques, et inextricablement liées à la dimension humaine. Dans un monde mondialisé et interconnecté, où la communication transcende les frontières, la place de l’humain dans le processus de traduction et d’interprétation revêt une importance cruciale. Cette dimension humaine englobe divers aspects, tels que la voix et la visibilité des traductaires et des interprètes, leur rôle dans la société, les défis posés par les avancées technologiques, sans oublier les considérations éthiques et déontologiques. Notre colloque invite les jeunes chercheurs et chercheuses travaillant sur ces questions à réfléchir sur la place de l’humain dans le processus de la traduction et de l’interprétation. Les axes suivants peuvent servir de point de départ :

Axe 1 - La traduction et l’interprétation face aux technologies

Durant les trente dernières années, le secteur de la traduction et de l’interprétation a connu de profonds changements, notamment avec l’émergence de l’intelligence artificielle et du Deep Learning. En effet, l’innovation technologique tend de plus en plus à automatiser ces métiers, mais la vérification humaine reste une nécessité et un gage de qualité. La traduction automatique est aujourd’hui un fait qu’on ne peut pas ignorer et son utilisation raisonnée peut apporter une valeur ajoutée au traductaire. Par ailleurs, certains acteurs du secteur exploitent les avancées technologiques pour augmenter leur productivité et dégager un maximum de profit au détriment des traductaires et des interprètes. Depuis plusieurs années, le débat autour de ces technologies (traduction automatique, interprétation assistée par ordinateur, interprétation à distance, outils d’évaluation de la qualité, etc.) porte sur leur utilisation, les nouvelles méthodes de travail, leur impact sur le plan économique, social et éthique. Ainsi, les professionnels ne craignent pas d’être dépassés ou remplacés par la machine, mais redoutent davantage ses limites et les dérives qu’elles induisent (baisse des tarifs, délais de plus en plus courts, conditions de travail difficiles, etc.). L’évolution des métiers de la traduction et de l’interprétation nous amène à nous poser les questions suivantes : quelle est la performance de ces outils ? Quels risques présentent-ils ? Ces outils représentent-ils une menace pour la profession ou devons-nous les considérer comme de simples assistants ? Comment former les traductaires et les interprètes à leur utilisation ? (Will, 2020 ; Loock, 2019 ; Dotterer et Tabor, 2019 ; Nunes Vieira, 2018)

Axe 2 - La voix du traductaire et de l’interprète

La théorie littéraire a très souvent recours à un métalangage métonymique pour parler du lecteur, de l’auteur ou encore du traductaire : celui-ci serait ainsi un oeil ou une voix. On voit bien comment le traductaire est toujours associé à une caractéristique essentiellement humaine (le regard, la parole) et que c’est donc son individualité et sa subjectivité qui en font un ré-énonciateur (Folkart,1996) unique d’un texte source. C’est bien parce que la traduction est un « art de l’interprétation » (Venuti, 2019) que tout traductaire ne pourrait pas, apparemment, traduire Amanda Gorman. Au-delà de sa compétence, c’est le point de vue du traductaire qui serait au coeur de la traduction. En effet, si traduire est bien « dire presque la même chose » (Eco, 2007), dans quelle mesure peut-on penser la traduction sans y voir une forme d’interprétation personnelle d’un texte ? Par ailleurs, à l’heure où nous laissons les machines traduire le monde qui nous entoure, pourquoi le débat de qui peut traduire qui est-il paradoxalement si vivace dans la traduction littéraire ? Peut-on (ou doit-on) imaginer (en théorie ou en pratique) la traduction littéraire un jour menacée par le mythe du regard ou de la voix artificielle ? Par ailleurs, la question de la voix (au sens propre et figuré) se pose également dans le domaine de l’interprétation. Dans certaines situations d’interprétation, les interactions qui se jouent entre l’interprète et les parties prenantes questionnent son rôle, son invisibilité et l’importance de sa voix. Comment expliquer cette (in)visibilité des activités d’interprétation ? Quelles sont ses conséquences sur la carrière des interprètes, ainsi que sur l’éthique et la déontologie de la profession ? (Ticca et Traverso, 2017 ; Pointurier 2016 ; Niemants, 2014)

Axe 3 - La sociologie de la traduction et de l’interprétation

Depuis les années 1990, la traductologie a connu un virage culturel qui a mis l’accent sur le contexte historique, social et idéologique de la traduction. Sous influence des études postcoloniales et les études de genre, de nouvelles perspectives émergent dans le domaine traductologique qui mettent en lumière l’existence du rapport de pouvoir dans l’activité traduisante. Si la traduction peut fonctionner comme un moyen de résistance en rendant visibles et audibles différentes voix de groupes minoritaires, elle peut aussi être utilisée comme un instrument de domination. En outre, le traductaire étant porteur d’une identité qui se construit autour d’un « axe de pouvoir » est loin d’être neutre et invisible. Cette situation est renforcée par l’émergence de nouvelles technologies sur lesquelles nous avons parfois un regard naïf, sans envisager qu’elles peuvent porter et reproduire nos biais. C’est pour cette raison qu’il est important de réfléchir aux influences des différents profils du sujet traduisant, à l’articulation des dimensions variées de l’identité humaine (classe, race, ethnicité, sexe, sexualité, etc.) dans l’analyse de la traduction et à l’éthique de la traduction dans un contexte multiculturel et plurilingue. (Samoyault, 2020 ; Baer et Kaindl, 2018 ; Epstein et Gillett, 2017 ; Butler, 1999 ; Venuti, 1998 ; Bassnett et Lefevere, 1995)

Axe 4 - Les enjeux éthiques et déontologiques actuels

L’introduction de nouvelles technologies de la traduction et de l’interprétation, ainsi que l’émergence de nouveaux enjeux idéologiques et sociétaux remettent en question la place des traductaires et des interprètes dans leur domaine. D’une part, la dépendance grandissante aux outils numériques et technologiques suscite de nouvelles réflexions sur les aspects éthiques liés à leur utilisation. Ces enjeux peuvent être liés aux technologies émergentes, mais aussi à des questionnements fondateurs introduits par Berman et Venuti, et repris par Ladmiral, qui s’interrogent notamment sur la préservation du texte source face aux intérêts du public cible ou du commanditaire. D’autre part, la question centrale de la légitimité des traductaires ou des interprètes se trouve au coeur des thématiques de recherches. À cela s’ajoute la question de la légitimité de ces professionnels par rapport à l’intelligence artificielle. Les traductaires et les interprètes, forcés de renégocier leur place, doivent réévaluer leur rôle et actualiser leur déontologie et leur éthique en les adaptant aux évolutions technologiques et aux changements de pratiques. Ces questions se posent dans le monde professionnel, mais aussi dans la recherche et l’enseignement. (Loock, 2023 ; Zasiekin et Vakuliuk, 2020 ; Ladmiral, 2014 ; Venuti, 2008 ; Berman, 1999)

Ces axes sont des suggestions et nous invitons toute personne engagée autour de ces questionnements à soumettre une proposition.

Modalités de soumission

Les propositions de communication seront composées : d’un résumé (500 mots au maximum), d’une liste de mots clés (dix mots clés maximum) et d’une bibliographie. Elles peuvent être rédigées en français ou en anglais et doivent être envoyées au plus tard le 31 janvier 2024 sur le site Rencontres des jeunes traductologues 2024, onglet « Mes dépôts ».

L’évaluation des soumissions par le comité scientifique étant en double aveugle, nous vous remercions de ne pas inclure dans votre document d’éléments pouvant vous identifier.

Les langues du colloque sont le français et l’anglais. Les communications orales durent chacune 20 minutes suivies de 10 minutes de discussion.

Comité scientifique

BARBIN Franck, BEAUMATIN Éric, BLETON Isabelle, CECCALDI Aurélie, COLLARD Camille, COLLOMBAT Isabelle, CRISTINOI-BURSUC Antonia, EL QASEM Fayza, FRŒLIGER Nicolas, GILE Daniel, KÜBLER Natalie, LEONCINI Stefano, LOOCK Rudy, MAGGI Ludovica, MARTIKAINEN Hanna, KHALFALLAH Nejmeddine, OSTER Corinne, PLASSARD Freddie, ROSSI Caroline, ZIMINA-POIROT Maria.

Comité d'organisation

Université Sorbonne Nouvelle : Xiaoyao Chi, Valentine Piéplu, Sara Salmi, Lu Zhang

Université Paris Cité : Maud Bénard, Marie Bouchet, Anastasia Buturlakina

Personnes connectées : 3 Vie privée
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